vendredi 13 décembre 2013

41. Endurer

Depuis la rentrée, en réalité, je souffre. Je souffre mentalement, physiquement, intellectuellement. Je souffre parce que mon travail me bouffe, m'aspire, m'avale. Et rien à voir avec le fait d'avoir des heures en plus, non. La situation dans les cités est explosive et des incidents multiples se sont produits. Un notamment, dont je ne peux parler. Mais qui est grave. Incroyablement grave. Et pourtant réel, si réel. Il concerne un gosse que je connais depuis 2 ans et, même s'il est loin d'être un élève parfait, au fond de moi, je l'aimais bien. Et apprendre ce qu'il a fait m'a tuée, achevée, abattue. C'est là que j'ai compris que, malgré tout ce que l'on peut dire, tout ce que l'on peut essayer de faire, nous vivons dans deux mondes différents et nous ne les comprendrons jamais. Eux non plus.
Il y a eu un autre incident également, qui n'a fait que confirmer le mépris (oh, que c'est horrible de dire ça à l'égard d'un enfant) que je pouvais déjà éprouver envers la môme en question. Puis un autre, encore, qui appuie le dégoût ressenti envers la lâcheté de certain(e)s.
Et d'autres, tellement d'autres incidents, moins importants, moins graves, mais qui s'accumulent, encore, encore, encore. Une collègue a craqué ce matin. Non pas parce que la classe s'était comportée odieusement envers elle mais surtout parce qu'elle a trop vu cette violence, explosive, prête à s'embraser, cet acharnement, cette menace sous-jacente, latente, présente, réelle.
L'adjoint s'est fait agresser, insulter, et toute une accumulation de choses font qu'il a démissionné.
Nous avions commencé une action de gr3ve, qui a été déclarée... et annulée.
Dégoût envers mes collègues.
Beaucoup de choses ont été dites, pointées du doigts, lors de cette journée de non-grève mais du coup, banalisée. Le ch3f a entendu beaucoup de choses, certaines assez dures, mais vraies. La violence qu'il pouvait renvoyer, le sentiment de mépris que ressentaient certain(e)s. La journée fut longue, éprouvante, nous avons survécu, sommes allés boire un coup ensuite. La rancoeur envers certain(e)s a disparu, au fur et à mesure.
Ce matin, je suis passée voir le ch3f qui devait m'assister pour une commission. Il a craqué, a versé quelques larmes, et même si j'avais beaucoup de choses à lui reprocher, j'ai été émue, touchée, il m'a fait beaucoup de peine.
Et j'en ai voulu à cette femme, cette CP3 inutile, qui, si elle était efficace et carrée, n'obligerait pas le chef à surveiller les perman3nces, ou à gérer des choses qu'il n'a absolument pas à faire. Le dialogue a été rétabli mais brisé aussitôt : la collègue m'explique, son cours avait commencé depuis 1 heure et demie (UNE HEURE ET DEMIE) et on lui ramène un gosse hyper chiant et surtout, censé être exclu. Elle s'oppose. Réponse de l'adulte l'accompagnant : il était avec le ch3f, il vous demande de l'accepter. Elle se plie donc, et le môme lui retourne le cours. A bout de nerfs, elle va trouver le ch3f, qui écarquille ses yeux cernés et fatigués, non, il n'a jamais vu le gosse, il ne lui  a pas envoyé. On demande donc à l'adulte qui a menti et on trouve rapidement que c'est la cp3 qui lui a demandé de mentir. Pourquoi ? Nous ne saurons pas la réponse, car elle était déjà partie (madame ne travaille pas le vendredi après-midi). Communication, oui. Mensonges, non.
Tout ça n'est qu'un exemple. Un extrait. Je suis dans un établiss3ment classé Z3P qui était relativement tranquille mais qui s'embrase. Et j'ai peur. Pas pour moi, mais pour les mômes qui n'ont rien fait. Pour les collègues encore fragiles. Pour plein de choses.

Une fatigue colossale s'est abattue sur moi depuis quelques jours aussi. Ca va sûrement avec tout le bordel ambiant, mais je soupçonne aussi mes saignements réguliers de ne pas améliorer les choses.
Ils commencent à disparaître mais j'ai dû perdre une quantité de sang assez impressionnante depuis 3 semaines. Et si tout va bien, mes règles vont arriver. Un mois presque continu de rouge. Classe.

Mais sinon, je survis. J'endure. Je supporte.

Et rêve toujours de gagner au loto.


 

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