mercredi 6 novembre 2013

31. Questions

Rentrée.
Rentrée, le lundi 4, après un très bon week-end en Hollande.
Rentrée, un lundi pluvieux et gris, froid et maussade, comme l'humeur, triste et chagrine.

Rentrée dans le bruit, les cris, les insultes, les collègues qui parlent fort, si fort, et racontent des choses dont je me moque éperdument mais hé, sociabilisons, intéressons-nous à leur vacances, rions en apparence lorsqu'elle dit sa hâte d'aller au ski, lorsqu'il raconte ses gâteaux fourrés de substance illicite, crions en classe, mettons-nous de la craie partout, et rentrons le soir, oui, rentrons, pour se poser une question, une unique question, c'est ça ?

C'est ça, mon métier, mes futures quarante années à venir, c'est pour ça que je me morfonds, m'arrache les cheveux, me prive de ce qui me plaît vraiment depuis tant de temps, c'est pour ça ?

Tout d'un coup, la fatigue, la pression, l'horreur qui tombent sur les épaules.

Plus envie.

Plus envie de passer ce concours, pour être... encore prof.

Une gêne, une envie, un regret, une plainte, une sensation dérangeante s'était éveillée lorsque j'avais à peine effleuré mes pinceaux, pour faire le space invader. Depuis, elle est là, encore, toujours. Un regret latent, permanent, des phrases qui hantent, qui reviennent, je suis heureuse, oui, peut-être pas épanouie, non, il me manque, ce temps à moi, pour moi, que je dénigre depuis longtemps.

Toujours, partout, tout le monde,  ça vaut le coup, accroche-toi, même si tu ne l'as pas cette année tu apprends encore, ça te servira, alors j'écoute, je me remets à travailler, à faire semblant, à lire, à traduire, et plus j'avance, plus les doutes grandissent, tu en es capable, et cette petite fille qui hurle à l'intérieur, non je n'en suis pas capable parce que je n'en veux plus, je ne veux plus, laissez-moi, je veux être égoïste, je veux du temps pour moi, merde merde merde.

Le dos bloqué, les migraines, les seins qui font mal, les maux d'estomac, la fatigue, les nerfs à vif, je ne suis pourtant pas en période rouge. Alors, je me dis que tout ça, tout ce bordel, c'est à cause de la pilule, oui, j'ai repris une pilule depuis 3 semaines, un peu moins, uniquement progestative, c'est marqué, effets indésirables, troubles de l'humeur, poitrine douloureuse, humeur dépressive, prise de poids.

C'est dans la tête.
C'est écrit.
C'est hormonal.
C'est passager.

Je ne sais pas trop où j'en suis, mais les questions restent là, ancrées au fond du bide,

suis-je prête à passer encore quarante ans dans un collège ?

Je me dis, bientôt, tu pourras faire autre chose, vraiment, en rentrant.
Est-ce que ça suffira ?

Travailler et faire quelque chose qui plaît est un luxe, j'ai choisi de ne pas prendre de risque, je le sais.
Je gagne bien ma vie, je ne devrais pas me plaindre.

Hier, une remarque anodine, gentille, faite pour m'encourager, m'a fait pleurer. Ca faisait longtemps.
Il voulait juste que je sois sûre de moi, que je ne regrette pas, ensuite, de n'avoir pas travaillé, alors il demande, et moi, je réponds, d'une voix faiblichonne, ça va, oui, tu as raison, je m'y remets.
Il me demande ce qu'il y a, me dit que ça fait trois jours que j'ai l'air triste, sans enthousiasme, d'un coup, il me dit qu'il a peur, après tout, j'ai quitté M parce que je n'étais pas heureuse, et si je faisais la même chose, je proteste, je viens à lui, ce n'est pas ça, pas ça du tout, et alors que j'essaie de lui dire, de le rassurer, tout s'embrouille, j'ai chaud, j'ai froid, je pleure, je n'y arrive pas, je n'y arriverai pas, je n'en peux plus, je veux arrêter, mais ce n'est pas lui, non, ça vient de moi.

Il trouve, encore, les mots pour arrêter la cascade ridicule, je respire, me lève, me douche, retraduis un texte. Me couche. Je m'endors d'une traite, épuisée.

Réussite ou échec, j'ai hâte que cette année se termine. Déjà, oui.

Beaucoup de collègues demandent leur mutation.
Ca fera du bien.

Être enseignant, lorsque l'on traverse une période où la seule chose que l'on veut, c'est éviter le contact humain, est assez difficile...

Je retourne essayer de travailler.
Il le faut.

En revanche, je ne sais pas si je dois continuer à prendre cette satanée pilule...

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