vendredi 31 janvier 2014

51. Vrac

Je sors de deux jours d'épreuves. Et si, honnêtement, hier j'étais presque confiante et optimiste, aujourd'hui, mon égo est écrabouillé, piétiné et flotte quelque part, loin dans l'espace. Ce n'est pas seulement dû au fait que oui, l'épreuve a été merdique, bien merdique alors qu'elle aurait pu être relativement facile, mais c'est surtout qu'hier, j'en ai vraiment, vraiment chié. C'était la première fois qu'une conversation avec lui me faisait aussi mal et provoquait autant d'incompréhension, de ma part et de sa part.

Tout est parti d'une remarque, se voulant drôle et juste et tout ce que vous voudrez. Sauf qu'il s'agissait d'une remarque portant sur mon physique. Et que, en période de concours, dont l'essence même est de se comparer aux autres, et donc, de se sentir incroyablement inférieure parce qu'après tout ça fait juste trois fois que je me plante et donc, ouhlala, c'est un peu dur au fur et à mesure de croire qu'on a une quelconque valeur par rapport aux autres candidats, en période de concours, disais-je donc, la remarque ne passe pas. Enfin, elle passe, mais je ne la digère pas. Elle reste là, bloquée, elle remue les miettes d'égo qu'il me reste et fait remonter toute une merde pas possible que je croyais avoir dépassé. Tous, je dis bien, tous mes complexes ressortent, d'un coup, sans crier gare, bang. La taille, le visage, les yeux qui louchent, les dents jaunes, la peau trop foncée, la mollesse des bras, l'épaisseur du tour de hanche, les fesses qui tombent, les jambes trop courtes, les mollets épais comme des troncs, les chevilles épaisses, le duvet, les seins trop gros, tout tout tout, absolument tout remonte, et me frappe la gueule, et évidemment, après avoir vaguement tenté de tout retasser, je me mets à pleurer.
La conversation s'entame alors, relativement chaotique et je ne m'en souviens très honnêtement pas, mais un point, un seul me choque et me blesse. C'est quand j'arrive à articuler péniblement que je pleure non pas à cause de sa remarque mais parce qu'elle fait ressortir plein de complexes de merde que je pensais avoir maîtrisé et que je me rends compte qu'en fait, je n'y suis pas parvenue du tout. Et je ne retiens qu'un mot de sa réponse. "Conneries".
Oui, dans le fond il a raison, comme toujours, tellement que putain, c'est chiant.
Oui, un complexe, de base, c'est une connerie, ça n'a pas lieu d'être, il faut apprendre à les dépasser, etc etc. Oui, mais le mot, agressif, méprisant, violent m'écorche les oreilles et le coeur. J'ai l'impression qu'il crache sur ma confession, qu'il me dit que mes pleurs sont infondés, que ce qui me blesse est stupide, que...
Alors, je me mets en colère. Je lui dis, lui répète que bordel, ça fait mal, ça me blesse d'entendre ça, que même s'il a raison, le mot me fait mal. Mais il insiste, me dit que même s'il peut comprendre que ça me fasse souffrir, pour lui ça reste des "conneries".
Je suis à deux doigts de sortir du lit et d'aller me coucher dans le salon, j'oscille entre peine et rage.
Je sais qu'il a raison et je sais, surtout, que lui n'est pas un "littéraire", que quelque chose qui n'a pas lieu d'être pour lui est une connerie, je sais qu'il ne projette pas les mêmes choses et les mêmes émotions que moi sur ce mot. Mais son incompréhension face à ma (sur)sensibilité m'éprouve. Il me répète, comme il me l'a souvent dit, qu'il refuse de se laisser entraîner dans la mièvrerie compatissante, que se montrer conciliant ou compatissant au contraire ne m'aiderait pas, qu'il veut que je dépasse ça et que ça commence par refuser de me conforter, avec une attitude compatissante, dans ma façon de penser.
Et même si je sais qu'il ne me veut que du bien, qu'il veut que j'aille mieux, là, tout de suite, j'ai envie d'arrêter. D'abandonner. Je ne suis pas aussi forte, aussi raisonnable, aussi sensée que lui. Je suis une boule d'angoisse et de complexes que je cache bien, je n'ai pas confiance en moi, mais surtout, je suis fatiguée, épuisée de faire constamment les efforts qu'il me demande de faire pour mon bien. Oui, je dois penser positivement, oui je dois prendre soin de moi, oui je dois essayer d'être moins bordélique, oui. mais parfois, je voudrais avoir le droit d'être faible. De craquer. De pleurer sans que, tout de suite, on ne me force à me relever. Je me relèverai, quoiqu'il arrive, mais putain, laisse-moi respirer, laisse-moi me sentir désemparée, laisse-moi aller mal, laisse-moi.
Je me force. Encore. Je parviens à rester au lit, avec peine, nous finissons notre discussion, j'ai vaguement l'impression d'une réconciliation, et je m'endors, épuisée, d'un sommeil inutile puisqu'au réveil à 6h, je me sens plus fatiguée encore, et surtout, encore amère, triste et vaguement furieuse. Réconciliation ta mère. Je n'ai rien digéré du tout.

Je pars passer ma dernière épreuve l'esprit encore totalement plongé dans les problèmes de la veille et lorsque j'ouvre le sujet, c'est la catastrophe.
Je lis, et ne découvre aucune difficulté lexicale (enfin, deux mots me posent problème, ce qui n'est rien), et pourtant, les textes restent morts, totalement vides devant mes yeux. Je suis incapable de me plonger dedans, de m'imaginer la scène, j'ai beau lire et relire les phrases, je ne trouve aucun intérêt aux textes proposés, aucune musique, aucune mélodie, rien. Il n'y a rien. Je ne ressens rien. Et ne fais donc rien.
Je n'ai pas encore digéré l'amertume, je n'ai pas encore dépassé le stade de rumination inutile, et aux complexes physiques ressuscités s'ajoutent désormais les complexes intellectuels provoqués par la vue de tous ces autres candidats qui composent, presque sereinement, le sujet étant facile, après tout. Alors, en plein milieu de mon premier brouillon, je m'arrête, les larmes aux yeux. J'ai l'impression de lire ECHEC partout, je n'arrive plus à écrire ni composer, ni lire, ni rien du tout.
Cela fait deux heures que l'épreuve a commencé et je suis à bout. Alors, lasse, j'arrête, je recopie indifféremment le brouillon non retravaillé, écris mal, accumule les mots traduits automatiquement.
J'ai l'impression d'être une aveugle qui compose une collier, les mots forment des phrases, mais rien ne me semble ni en ordre ni beau. J'ai l'impression que la ponctuation se fout de ma gueule. Je sors au bout de quatre heures, l'épreuve durant 5 heures, fuyant loin de tout, mais incapable de fuir loin de moi.
Je me suis rarement sentie aussi mal, physiquement et mentalement.

Je sais aussi que, dans 2-3 jours, j'aurai retrouvé ma raison, je regretterai ma sur-réaction épidermique, et je n'arriverai pas à envisager ma vie sans lui. Mais vraiment, hier, j'ai beaucoup, beaucoup souffert.
Et ce qui me fait peur, c'est que j'ai l'impression qu'il ne l'a pas pas compris. Qu'il n'a pas compris pourquoi j'avais mal.
Il existe une énorme différence entre nous deux.
C'est quelqu'un de totalement, purement rationnel. Pas moi. Et c'est une différence très douloureuse.

En attendant de cicatriser, je vais totalement couper mon téléphone, pour éviter les textos douloureux du genre "aaaaalors ?" ou pour éviter ma mère, et partir me réfugier loin, très loin dans un livre ou un dessin.
See you.

1 commentaire:

  1. C'est pas la première fois que le green-eyed man te fait une réflexion un peu limite (de ce que tu rapportes ici hein) et d'habitude je prends sur moi et je me tais. Mais putain là je suis pas d'accord quoi ! Des "conneries" ? Dit celui qui visiblement ne sait pas ce que sont tes complexes (qui, ma chérie, sont plus que des complexes. ils sont liés à tes TCA et à ton anxiété sur certains domaines, et ça, ça relève de maladies mentales. Les mots sont durs mais ils sont là. Sauf que maladie mentale, pour ceux qui n'en souffrent pas et n'en ont jamais souffert, ben c'est un truc inventé pour justifier la création de la psychologie, de la branlette mentale en somme.

    Quand tu t'es cassé le bras, tout le monde te souhaite un bon rétablissement. Quant tu t'es fait opérer, pareil. Mais ces complexes qui te bouffent la vie (et le mot complexe n'est pas assez fort), ils n'ont pas de manifestation physique visible. Alors bien sûr, c'est de l'auto-apitoiement. Ah ben oui hein...

    Ce genre de réflexions me donne envie de taper ceux qui les font. Et je comprends qu'elles t'aient profondément blessée. Et je vais aller plus loin : si tu as foiré ton épreuve, c'est à cause de ces réflexions, pas par manque d'entraînement ou par jemenfoutisme, ou par abandon.

    Purée je suis vénère là !!!!

    (après, comme là en gros je suis en train de te dire que sur ce coup-là, il a rien compris et c'est un connard, je comprends que tu me renvoie dans mes buts et que tu m'en veuilles.... hésite pas à le dire clairement).

    Des bisous

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